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  • Photo du rédacteurOlivier Canameras

LES ENJEUX ET LES ERREMENTS DU NOUVEAU DPE

La loi climat et résilience a renforcé la portée juridique du diagnostic de performance énergétique (DPE). Le DPE est devenu le principal outil de lutte contre les passoires thermiques. Sa fiabilité continue pourtant de faire débat. Quel est le calendrier de la réforme ? Jusqu’où peut aller la décote de biens mal notés ? Décryptage d’un dispositif désormais crucial pour les propriétaires.


C’est un passage obligatoire en cas de vente, de location et lors de la construction d’un logement. Depuis 2006, le propriétaire doit faire établir un diagnostic de performance énergétique, plus communément appelé DPE. Ce document sert à estimer la consommation d’énergie et le taux d’émission de gaz à effet de serre de l’habitation. Il a vocation à renseigner le futur acquéreur ou le locataire en classant le logement sur une échelle allant de A (économe) à G (énergivore).


Le DPE est aussi devenu l’outil central de la politique publique de rénovation énergétique du parc immobilier. Cette démarche prend encore plus de sens dans le contexte actuel de flambée des prix du gaz et de l’électricité, alors que l’ère de sobriété énergétique a été décrétée.


Mais le DPE reste sous le feu des critiques. Il pousserait de nombreux bailleurs et propriétaires de biens, trop énergivores, à vendre leur logement, du moins à l’envisager, faute de moyens financiers ou rebutés par l’ampleur des travaux nécessaires pour la mise aux normes.


Le DPE a en quelque sorte un droit de vie ou de mort sur un logement avec les nombreuses mesures coercitives, notamment les interdictions de location, ou d’augmentation des loyers qui ont été adossées au diagnostic de performance énergétique.


1. Qui est concerné par le DPE ?


Le DPE doit être tenu à la disposition de tout candidat acquéreur dès la mise en vente du bien ou en vue d’une location (sauf pour les biens loués moins de quatre mois par an). Le diagnostic doit aussi être mentionné, de façon claire et lisible, dans toute annonce immobilière, que l’on passe par l’intermédiaire d’une agence ou en direct.

En cas d’omission, le vendeur s’expose à une amende pouvant aller jusqu’à 3.000 euros en cas de transaction entre particuliers, tandis que l’agence immobilière peut être condamnée à payer jusqu’à 15.000 euros.


2. Quelle est sa portée juridique ?


Depuis le 1er juillet 2021, conformément à la loi Elan de 2018, la donne a changé. Jusqu’à présent, le DPE était certes obligatoire, mais il était seulement informatif. Ce document est désormais opposable. Cela signifie qu’en cas d’erreur sur le diagnostic la responsabilité contractuelle du vendeur ou du bailleur peut être engagée.

Le DPE a dorénavant la même portée juridique que les autres diagnostics immobiliers (plomb, électricité, amiante) compris dans le dossier de diagnostic technique (DDT).

Les recommandations de travaux formulées dans le DPE (changement des vitres, chaudière, isolation, etc.) et l’estimation du budget pour atteindre une classe énergétique plus performante conservent en revanche une valeur seulement indicative.


3. Quel est le coût du diagnostic ?


Le DPE doit être réalisé aux frais du vendeur, par un diagnostiqueur certifié. On compte quelque 8.000 professionnels habilités et répertoriés dans un annuaire officiel des diagnostiqueurs certifiés accessible en ligne. Leurs tarifs ne sont pas réglementés. Le prix dépend notamment de l’année de construction et de la taille du logement.


Selon l’Agence de la transition écologique (Ademe), le DPE est généralement facturé entre 100 euros et 250 euros. Cette fourchette de prix s’applique pour la réalisation d’un DPE seul. Lorsque le DPE est inclus dans le dossier technique de diagnostic (amiante, plomb, termites, gaz électricité, etc.) les montants évoluent entre 350 euros et plus de 800 euros, selon le type de bien, la surface et la localisation géographique.



4. Quel est le calendrier de la réforme ?


Depuis août 2022, le propriétaire d’un bien étiqueté F ou G ne peut plus augmenter son loyer à la relocation ni le réviser en cours de bail. Pour inciter les propriétaires à rendre leur habitat plus vertueux, les contraintes vont aller crescendo.

Dès le 1er janvier 2023, les pires passoires thermiques seront interdites à la location. Seule une partie des logements classés G seront visés (ceux consommant plus de 450 kWh d’énergie, par mètre carré et par an). Viendront ensuite l’ensemble des logements classés G à compter de 2025 ; tous les F dès 2028 ; et enfin les catégories E à partir de 2034.


Les professionnels de l’immobilier ne cessent d’alerter sur le fait que les travaux ne pourront pas être réalisés dans les temps.

Dans une étude récente, cette société de conseils en immobilier résidentiel a estimé le coût des travaux nécessaires pour sortir de la classe F et G à environ 30.000 euros à 40.000 euros en moyenne. Le blocage peut aussi venir de la copropriété lorsque son feu vert est nécessaire.


Olivier Klein, le nouveau ministre délégué chargé de la Ville et du Logement, s’est déjà prononcé contre un report de l’interdiction de mise en location des passoires thermiques. Il s’est en revanche montré plus souple à propos de l’obligation de réaliser un audit énergétique (plus poussé et plus détaillé que le DPE) avant la mise en vente de maisons ou d’immeubles classés F et G. L’échéance a été à nouveau repoussée, au 1er avril 2023 au lieu du 1er septembre 2022.


5. Le nouveau DPE est-il fiable ?


Pour établir le DPE, c’est la méthode de calcul dite « 3CL » qui s’applique depuis le 1er juillet 2021. Le diagnostiqueur ne peut plus se baser sur les factures d’énergie. Une grille de critères plus objectifs a été adoptée. Elle prend désormais en compte les caractéristiques physiques du logement (bâti, qualité d’isolation, etc.) », détaille Roselyne Conan, directrice générale de l’Agence nationale pour l’information sur le logement (Anil).


Le DPE continue néanmoins de faire débat. Après avoir constaté une explosion du nombre de passoires thermiques, le gouvernement avait dû revoir en urgence la nouvelle formule de calcul par arrêté ministériel du 8 octobre 2021.


Mais plusieurs associations de consommateurs continuent de dénoncer son manque de fiabilité. Dans une étude récente, l’UFC-Que Choisir pointe « un flot d’erreurs pénalisantes » notamment l’attribution d’étiquettes différentes pour un même bien selon le diagnostiqueur convoqué.


Les représentants des diagnostiqueurs immobiliers et le ministère du Logement travaillent à des pistes pour fiabiliser l’étiquette énergétique. Mais il n’y a rien de positif à attendre du gouvernement. La définition de passoire thermique dépend des objectifs souhaités. Or en matière d’écologie le gouvernement a plus souvent fait preuve d'idéologie pavlovienne que de réflexion globale constructive.


Pour éviter les mauvaises surprises, il recommande aux propriétaires de bien préparer leur dossier.


6. Faut-il craindre un assèchement du parc locatif ?


Hausse de la taxe foncière, encadrement des loyers et bientôt interdiction de louer les passoires thermiques : le spectre d’une pénurie de location plane sur le marché immobilier.

Ainsi peut-on s’attendre à ce qu’il y ait une hausse de biens F et G à vendre sur le marché. Selon une étude de l’Insee, sans travaux de rénovation énergétique, près d’un logement francilien sur deux sera bientôt interdit à la location.


Donc de plus en plus de biens mal notés pourraient arriver sur le marché de la vente; asséchant du même coût le marché de la location et renforçant ainsi la crise du logement.

Par ailleurs, les logements mal notés et proposés à la vente subiront une décote importante afin de tenir compte des futurs travaux d’isolation et mise aux normes thermiques.

Ces décotes ne manqueront pas de faire baisser mécaniquement le prix des autres biens.


L’interdiction de location des biens notés F et G à partir du 1er janvier 2023 ne devait a priori pas s’appliquer aux locations touristiques. Mais le ministre délégué au logement Olivier Klein a fait une mise au point remarquée en indiquant qu’il souhaitait empêcher les propriétaires de logements les plus énergivores de les louer sur Airbnb.


«Il est hors de question que les propriétaires se réfugient dans le meublé touristique » a-t-il déclaré sur BFM Business le 25 octobre. Et d’ajouter : «Il faut qu’on travaille pour ce soit les mêmes règles», assurant que le gouvernement « se donnera les moyens de mettre tous les garde-fous nécessaires».


L’effet pervers était pointé par le secteur immobilier depuis plusieurs mois. Pour échapper aux travaux, certains propriétaires pourraient être tentés de trouver refuge dans la location de courte durée en se tournant vers les plateformes collaboratives. De quoi renforcer aussi les tensions sur le parc locatif privé.


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